Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’impression qu’ils font sur nous, n’est point à beaucoup près aussi grande que l’impression que la tragedie fait à l’aide de la scéne, ils ne sont pas aussi efficaces que la tragedie pour purger les passions. Les hommes avec qui nous vivons, nous laissent presque toûjours à deviner le véritable motif de leurs actions, et quel est le fond de leur cœur. Ce qui s’en échappe au dehors, et ce qui ne paroît qu’une étincelle, vient souvent d’un incendie qui fait des ravages affreux dans l’intérieur. Il arrive donc souvent que nous nous trompions nous-mêmes, en voulant deviner ce que pensent les hommes, et plus souvent encore ils nous trompent eux-mêmes dans ce qu’ils nous disent de la situation de leur cœur et de leur esprit. Les personnages de tragedies quittent le masque devant nous. Ils prennent tous les spectateurs pour confidens de leurs véritables projets et de leurs sentimens les plus cachez. Ils ne laissent rien à deviner aux spectateurs que ce qui peut être deviné sûrement et facilement. On peut dire la même chose des comedies. D’ailleurs, la profession du poëte

p437

dramatique, est de peindre les passions telle