Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/448

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Il n’est gueres de passion qui ne soit un petit feu dans son commencement, et qui ne s’éteignît bien-tôt, si une juste défiance de nous-mêmes nous faisoit fuir les objets capables de l’attiser. Phedre criminelle malgré elle-même, est une fable comme celle de la naissance de Bachus et de Minerve. Qu’on ne me fasse point dire après cela, que les poëmes dramatiques sont un remede souverain et universel en morale. Je suis trop éloigné de rien penser d’approchant, et je veux dire seulement que les poëmes dramatiques corrigent quelquefois les hommes, et que souvent ils leur donnent l’envie d’être meilleurs. C’est ainsi que le spectacle imaginé par les lacedemoniens, pour inspirer l’aversion de l’ivrognerie à leur jeunesse, faisoit son effet. L’horreur que la manie et l’abrutissement des esclaves qu’on exposoit yvres sur un théatre donnoient aux spectateurs, laissoient en eux une ferme résolution de résister aux attraits de ce vice. Cette résolution empêchoit quelques jeunes gens de prendre du vin avec excès, quoiqu’elle ne fut point capable d’en retenir plusieurs autres. Il est des hommes trop fougueux pour être retenus par

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