Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/469

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prétendent la copier. Ainsi, bien que ces symphonies soient en un certain sens inventées à plaisir, elles aident beaucoup néanmoins à rendre le spectacle touchant et l’action pathétique. Par exemple, les accens funébres de la symphonie que Monsieur De Lulli a placez dans la scéne de l’opera d’Amadis, où l’ombre d’Ardan sort du tombeau, font autant d’impression sur notre oreille, que le spectacle et la déclamation en font sur nos yeux. Notre imagination attaquée en même-tems par l’organe de la vûë et par l’organe de l’oüie, est beaucoup plus émuë de l’apparition de l’ombre, que si nos yeux seuls étoient séduits. La symphonie par laquelle Monsieur Des Touches fait préceder l’oracle que rendent les chênes de Dodone produit un effet semblable. Le frémissement du feüillage de ces arbres qu’elle imite par son chant, par son harmonie et par son rithme, dispose à trouver de la vrai-semblance dans la supposition qui va leur prêter la parole. Il paroît croïable qu’un bruit approchant de celui de cette symphonie ait précedé, qu’il ait préparé les sons articulez que l’oracle proferoit.