Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/489

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gnes naturels de nos sentimens et de nos passions. Il est très-aisé d’inferer de ces deux véritez, que les vers qui contiennent des sentimens, sont très-propres à être mis en musique, et que ceux qui contiennent des peintures n’y sont pas bien propres. La nature fournit elle-même, pour ainsi dire, les chants propres à exprimer les sentimens. Nous ne sçaurions même prononcer avec affection les vers qui contiennent des sentimens tendres et touchans sans faire des soupirs, sans emploïer des accens et des ports de voix qu’un homme doüé du génie de la musique, réduit facilement en un chant continu. Je suis certain que Lulli n’a pas cherché long-temps le chant de ces vers que dit Medée dans l’opera de Thesée. Mon cœur auroit encore sa premiere innocence s’il n’avoit jamais eu d’amour. Il y a plus. L’homme de génie, qui compose sur des paroles semblables, trouve qu’il a fait des chants variez, même sans avoir pensé à les diversifier. Chaque sentiment a ses tons, ses accens et ses soupirs propres. Ainsi le musicien en composant sur des vers,