Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/498

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intérieurement les autres, ainsi qu’eux-mêmes ils en sont affectez. Celui qui défend la superiorité du Poussin, ne conçoit pas donc qu’on puisse mettre au-dessus d’un poëte, dont les inventions lui donnent un plaisir sensible, un artisan qui n’a sçû que disposer des couleurs, dont l’harmonie et la richesse lui font un plaisir médiocre. Le partisan du Titien de son côté, plaint le partisan du Poussin, de préferer au Titien un peintre, qui n’a pas sçû charmer les yeux, et cela pour quelques inventions dont il juge que tous les hommes ne doivent pas être beaucoup touchez, parce que lui-même il ne l’est que médiocrement. Chacun opine donc en supposant, comme une chose décidée, que la partie de la peinture qui lui plaît davantage est la partie de l’art qui doit avoir le pas sur les autres, et c’est en suivant le même principe, que les hommes se trouvent d’un avis opposé. trahit sua quemque voluptas. ils auroient raison, si chacun se contentoit de juger pour soi. Leur tort est de vouloir juger pour tout le monde. Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, et par consequent, ils pensent que les personnes

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