Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/499

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qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu’elles se laissent conduire à des préjugez qui les gouvernent sans qu’elles-mêmes s’apperçoivent du pouvoir de la prévention. Qu’on change les organes de ceux à qui l’on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion sans blâmer l’opinion des autres. Vouloir persuader à un homme qui préfere le coloris à l’expression en suivant son propre sentiment, qu’il a tort, c’est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien. La chose ne dépend pas plus de lui qu’il dépend d’un homme dont le palais est conformé, de maniere que le vin de Champagne lui fasse plus de plaisir que le vin d’Espagne, de changer de goût, et d’aimer mieux le vin d’Espagne que l’autre. La prédilection qui nous fait donner la préférence à une partie de la peinture sur une autre partie, ne dépend donc point de notre raison, non plus que la prédilection qui nous fait aimer un genre de poësie preferablement aux