Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/500

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autres. Cette prédilection dépend de notre goût, et notre goût dépend de notre organisation, de nos inclinations présentes, et de la situation de notre esprit. Quand notre goût change, ce n’est point parce qu’on nous aura persuadé d’en changer, mais c’est qu’il est arrivé en nous un changement physique. Il est vrai que souvent ce changement nous a été insensible, et que nous ne pouvons même nous en appercevoir qu’à l’aide de la refléxion, parce qu’il s’est fait peu à peu et imperceptiblement. L’ âge et plusieurs autres causes, produisent en nous ces sortes de changemens. Une passion triste, nous fait aimer durant un temps des livres assortis à notre humeur présente. Nous changeons de goût aussi-tôt que nous sommes consolez. L’homme, qui durant son enfance, trouvoit plus de plaisir à lire les fables de La Fontaine, que les tragédies de Racine, leur préfere à trente ans ces mêmes tragédies. Je dis préferer et aimer mieux, et non pas loüer et blâmer, car en préferant la lecture des tragédies de Racine à celle des fables de La Fontaine, on ne laisse pas de loüer et même d’aimer toûjours ces fables. L’homme dont je parle aimera