Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/79

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point de leur faire prendre des couleurs couchées sur une superficie pour de veritables fruits. Un peintre peut donc passer pour un grand artisan, en qualité de dessinateur élegant, ou de coloriste rival de la nature, quand même il ne sçauroit pas faire usage de ses talens pour répresenter des objets touchans, et pour mettre dans ses tableaux l’ame et la vraisemblance qui se font sentir dans ceux de Raphaël et du Poussin. Les tableaux de l’école lombarde sont admirez, bien que les peintres s’y soïent bornez souvent à flater les yeux par la richesse et par la verité de leurs couleurs, sans penser peut-être que leur art fût capable de nous attendrir : mais leurs partisans les plus zelez tombent d’accord qu’il manque une grande beauté aux tableaux de cette école, et que ceux du Titien, par exemple, seroient encore bien plus précieux s’il avoit traité toujours des sujets touchans, et s’il eut joint plus souvent les talens de son école aux talens de l’école romaine. Le tableau de ce grand peintre qui répresente saint Pierre martyr, religieux dominiquain, massacré par les vaudois, n’est peut-être pas, tout admirable qu’il est par cet endroit, son tableau le plus précieux par la richesse des couleurs