Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/86

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livre soit bon dans le fonds pour se soutenir, mais s’il est tel, s’il merite de plaire à tous les hommes, l’interêt particulier le fait connoître beaucoup plûtôt. Un bon livre fait à la faveur de cet interêt, une fortune et plus prompte et plus grande. D’ailleurs il est des interêts de rapport qui subsistent long-tems et qui peuvent concilier à un ouvrage durant plusieurs siecles l’attention particuliere d’un grand nombre de personnes. Tel est l’interêt que prend une nation au poëme qui décrit les principaux évenemens de son histoire, et qui parle des villes, des fleuves et des édifices sans cesse présens à ses yeux. Cet interêt particulier auroit fait réussir la pucelle de Chapelain, si le poëme n’eut été que mediocre. Il est vrai que toutes les nations de l’Europe lisent encore l’éneïde de Virgile avec un plaisir infini, quoique les objets que ce poëme décrit ne soïent plus sous leurs yeux, et quoiqu’elles ne prennent pas le même interêt à la fondation de l’empire romain que les contemporains de Virgile, dont les plus considerables se disoient encore descendus des heros qu’il chante. Les fêtes, les combats et les lieux dont il parle ne sont