Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/92

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nous donner quelque idée de ses sentimens, et nous faire connoître qu’elle parle avec une grande dignité ; mais la pensée de cette romaine, qui veut que la mort de l’oppresseur de la republique soit un supplice qui puisse épouvanter ceux qui voudroient attenter sur la liberté, et non pas un crime détestable, ne donne point de prise au pinceau. Il n’est pas d’expression pittoresque qui puisse articuler, pour ainsi dire, les paroles du vieil Horace, quand il répond à celui qui lui demandoit ce que son fils pouvoit faire seul contre trois combattans : qu’il mourût. Un peintre peut bien faire voir qu’un homme est ému d’une certaine passion, quand même il ne le dépeint pas dans l’action, parce qu’il n’est pas de passion de l’ame qui ne soit en même tems une passion du corps. Mais ce que la colere fait penser de singulier suivant le caractere propre de chacun, et suivant les circonstances où il se rencontre, ce qu’elle fait dire de sublime, par rapport à la situation du personnage qui parle, il est très-rare que le peintre puisse l’exprimer assez intelligiblement pour être entendu. Par exemple, le Poussin a bien pu dans son tableau de la mort de Germanicus exprimer toutes