Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/93

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les especes d’affliction dont sa famille et ses amis furent penetrez, quand il mourut empoisonné entre leurs bras ; mais il ne lui étoit pas possible de nous rendre compte des derniers sentimens de ce prince si propres à nous attendrir. Un poëte le peut faire : il peut lui faire dire : je serois en droit de me plaindre d’une mort aussi prématurée que la mienne, quand bien même elle arriveroit par la faute de la nature ; mais je meurs empoisonné : poursuivez donc la vengeance de ma mort, et ne rougissez point de vous faire délateurs pour l’obtenir. La compassion du public sera du côté de pareils accusateurs. Un peintre ne sçauroit exprimer la plûpart de ces sentimens ; il ne peut encore peindre dans chaque tableau qu’un des sentimens qu’il lui est possible d’exprimer. Il peut bien, pour donner à comprendre le soupçon qu’avoit Germanicus que Tibere fut l’auteur de sa mort, faire montrer par Germanicus à sa femme Agrippine une statuë de Tibere avec un geste et avec un air de visage propres à caracteriser ce sentiment ; mais il faut qu’il emploïe tout son tableau à l’expression de ce sentiment là.