Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/97

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dont ils veulent se servir pour nous toucher, et qui doivent rencontrer tant de difficultez à les faire reconnoître à l’aide seule du pinceau, n’accompagnassent pas toujours leurs tableaux d’histoire d’une courte inscription. Les trois quarts des spectateurs qui sont d’ailleurs très-capables de rendre justice à l’ouvrage, ne sont point assez lettrez pour deviner le sujet du tableau. Il est quelquefois pour eux une belle personne qui plaît, mais qui parle une langue qu’ils n’entendent point : on s’ennuïe bientôt de la regarder, parce que la durée des plaisirs, où l’esprit ne prend point de part, est bien courte. Le sens des peintres gothiques, tout grossier qu’il étoit, leur a fait connoître l’utilité des inscriptions pour l’intelligence du sujet des tableaux. Il est vrai qu’ils ont fait un usage aussi barbare de cette connoissance, que de leurs pinceaux. Ils faisoient sortir de la bouche de leurs figures par une précaution bizarre, des rouleaux sur lesquels ils écrivoient ce qu’ils prétendoient faire dire à ces figures indolentes ; c’étoit-là veritablement faire parler ces figures. Les rouleaux dont je parle se sont anéantis avec le goût gothique : mais