Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/99

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pour peindre l’impetuosité d’Achille, ne sont pas également forts, mais les foibles sont rendus plus forts par d’autres, ausquels ils donnent réciproquement plus d’énergie. Tous les traits que Moliere emploïe pour craïonner son misantrope, ne sont pas également heureux, mais les uns ajoutent aux autres, et pris tous ensemble, ils forment le caractere le mieux dessiné et le portrait le plus parfait qui jamais ait été mis sur le théatre. Il n’en est pas de même du peintre qui ne peint qu’une seule fois chacun de ses personnages, et qui ne sçauroit emploïer qu’un trait pour exprimer une passion sur chacune des parties du visage où cette passion doit être renduë sensible. S’il ne forme pas bien le trait qui doit exprimer la passion, si, par exemple, lorsqu’il peint un mouvement de la bouche, son contour n’est point précisement la ligne qu’il falloit tirer, l’idée du peintre avorte ; et le personnage, au lieu d’exprimer une passion, ne fait plus qu’une grimace. Ce que le peintre fait de mieux dans les autres parties du visage, peut bien engager d’excuser ce qu’il a fait de mal en dessinant la bouche, mais il ne supplée pas le trait manqué. C’est même souvent en vain