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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/115

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qu’il m’en souvient, qui dès sa jeunesse ait pû vivre dans l’abondance. Tout le monde sera de mon avis, quand j’avancerai que Moliere n’auroit jamais pris la peine necessaire pour se rendre capable de produire les femmes sçavantes, ni celle de composer ensuite cette comédie, après s’être rendu capable de le faire, s’il se fût trouvé un homme de condition, en possession de cent mille livres de rente dès l’ âge de vingt ans. Je crois rencontrer quelle est la situation où l’on peut souhaiter que soit un jeune poëte, dans un bon mot de notre roi Charles Ix. Il faut, disoit ce prince, en se servant de la langue latine, dont le bel usage permettoit alors aux personnes polies, de mêler quelques mots dans la conversation. Que les chevaux et les poëtes soient bien nourris, mais non pas engraissez. On doit pardonner la comparaison à la passion demesurée des seigneurs de ce temps-là pour leurs écuries : la mode l’autorisoit. L’envie d’augmenter sa fortune excite un poëte qui se trouve dans cette situation, sans que le besoin lui rabaisse l’esprit, ni l’oblige à courir après un vil salaire, comme ont fait les ouvriers mercenaires de tant de poëmes dramatiques,