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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/114

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il sçait faire des monstres si terribles, n’auroient été que des couleuvres ordinaires. La furie qui porte la rage dans le sein de Turnus et d’Amata, n’auroit été, pour parler à notre maniere, qu’une furie pareille à la tranquille Eumenide de l’opera d’Isis. L’extrême besoin dégrade l’esprit, et le génie, réduit par la misere à composer, perd la moitié de sa vigueur. D’un autre côté, les plaisirs détournent les poëtes du travail, aussi-bien que le besoin. Il est vrai que Lucain composa sa pharsale malgré toutes les distractions qui viennent à la suite de l’opulence. Il reçut les complimens de ses amis sur le succès de son poëme dans ses jardins enrichis de marbre : mais un seul exemple ne conclut pas. De tous les poëtes qui se sont acquis un grand nom, Lucain est le seul, autant