Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/121

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e qu’ils ont produit, plûtôt dans un délire que dans un véritable enthousiasme. La plûpart, comme Pigmalion, deviennent amoureux de leurs productions informes ou languissantes, et ils ne les retouchent plus : car qui dit amoureux, dit aveugle sur les défauts de ce qu’il aime. Aussi aucun tiran de la Grece n’entendit-il jamais autant de flatterie qu’un poëte médiocre s’en dit à lui-même quand il encense les prétenduës divinitez qui viennent de naître sous sa plume. C’est des mauvais poëtes principalement qu’il faut entendre ce que dit Ciceron. Mais un bon poëte n’est pas si facile à se contenter de ce qu’il a mis sur le papier. Il n’est pas encore satisfait de ses vers, quand ils sont déja assez bons pour plaire aux autres, et la peine qu’il ne sçauroit s’empêcher de prendre pour les perfectionner à son gré, l’impatiente souvent contre lui-même.