Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

têtes du Guide, il entreprit de faire de grandes compositions dans le goût de cet aimable artisan, et dans le goût des autres éleves du Carache. Tous ces tableaux qui représentent differens évenemens de l’histoire de Persée, sont à Gennes dans le palais du marquis Grillo, qui païa le faussaire mieux que les grands maîtres, dont il se faisoit le singe, n’avoient été païez dans leur temps. On est surpris en voïant ces tableaux, mais c’est qu’un peintre, qui ne manquoit pas de talens, ait si mal emploïé ses veilles, et qu’un seigneur genois ait fait un si mauvais usage de son argent. La même chose est véritable en poësie. Un homme sans génie, mais qui a lû beaucoup de vers, peut bien, en arrangeant ses reminiscences avec discernement, composer une épigramme qui ressemblera si bien à celles de Martial, qu’on pourra la prendre pour être de ce poëte. Mais un poëte, qui après s’être diverti à composer un treiziéme livre de l’éneïde, seroit assez hardi pour l’attribuer à Virgile, n’en imposeroit à personne. Muret a bien pû faire prendre six vers qu’il avoit composez lui-même pour six vers de Trabea, poëte comique latin, qui vêquit six