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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/190

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fait sans fruit depuis deux siecles. Les statuës et les bas-reliefs antiques, dont Raphaël et ses contemporains sçavoient si bien profiter, avoient été devant les yeux de leurs dévanciers, qui n’en avoient sçû faire usage. Si l’on déterroit quelques ouvrages antiques que ces dévanciers n’eussent pas vûs, combien en avoient-ils vûs qui périrent avant que Raphaël pût les voir ? Pourquoi ces dévanciers ne faisoient-ils pas foüiller dans les ruines de l’ancienne Rome, comme le firent Raphaël et ses contemporains ? C’est qu’ils n’avoient point de génie ? C’est qu’ils ne reconnoissoient pas leur propre goût dans le Marc-Aurele et dans tous les ouvrages de sculpture et d’architecture qui étoient hors de terre long-temps avant Raphaël. Le prodige qui arrivoit à Rome arrivoit en même temps à Venise, à Florence et dans d’autres villes d’Italie. Il y sortoit de dessous terre, pour ainsi dire, des hommes illustres à jamais dans leurs professions, et qui tous valoient mieux que les maîtres qui les avoient enseignez : des hommes sans précurseur, et qui étoient les éleves de leur propre génie. Venise se vit riche tout-à-coup en peintres excellens, sans que la republique