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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/337

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n’est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C’est le juge compétent de la question. Raisonne-t-on, pour sçavoir si le ragoût est bon ou s’il est mauvais, et s’avisa-t-on jamais, après avoir posé des principes géometriques sur la saveur, et défini les qualitez de chaque ingrédient qui entre dans la composition de ce mets, de discuter la proportion gardée dans leur mélange, pour décider si le ragoût est bon ? On n’en fait rien. Il est en nous un sens fait pour connoître si le cuisinier a operé suivant les regles de son art. On goûte le ragoût et même sans sçavoir ces regles on connoît s’il est bon. Il en est de même en quelque maniere des ouvrages d’esprit et des tableaux faits pour nous plaire en nous touchant. Il est en nous un sens destiné pour juger du mérite de ces ouvrages, qui consistent en l’imitation des objets touchans dans la nature. Ce sens est le sens même qui auroit jugé de l’objet que le peintre, le poëte ou le musicien ont imité. C’est l’œil lorsqu’il s’agit du coloris d’un tableau. C’est l’oreille lorsqu’il est question de juger si les accens