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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/340

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ami l’a fait ressemblant. Faut-il pour juger si ce portrait ressemble ou non, prendre les proportions du visage de notre ami et les comparer aux proportions du portrait ? Les peintres mêmes diront qu’il est en eux un sentiment subit qui dévance tout examen, et que l’excellent tableau qu’ils n’ont jamais vû, fait sur eux une impression soudaine qui les met en état de pouvoir, avant aucune discussion, juger de son mérite en general : cette premiere apprehension leur suffit même pour nommer l’auteur du tableau. On a donc raison de dire communément qu’avec de l’esprit on se connoît à tout, car on entend alors par le mot d’esprit, la justesse et la délicatesse du sentiment. Les françois sont en possession de donner au mot esprit , des significations bien plus abusives. Ainsi Monsieur Pascal n’y avoit pas encore assez refléchi quand il mit sur le papier, que ceux qui jugent d’un ouvrage par les regles, sont à l’égard des autres hommes, comme ceux qui ont une montre sont à l’égard de ceux qui n’en ont point, quand il est question de sçavoir l’heure. Je crois cette pensée du nombre