Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/339

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dans leurs sensations. Il est aussi rare de voir des hommes nez sans le sentiment dont je parle, qu’il est rare de trouver des aveugles nez. Mais on ne sçauroit le communiquer à ceux qui en manqueroient, non plus que la vûë et l’ouïe. Ainsi les imitations font leur effet sur nous, elles nous font rire ou pleurer, elles nous attachent avant que notre raison ait eu le temps d’agir et d’examiner. On pleure à une tragédie avant que d’avoir discuté si l’objet que le poëte nous y présente, est un objet capable de toucher par lui-même, et s’il est bien imité. Le sentiment nous apprend ce qui en est avant que nous aïons pensé à en faire l’examen. Le même instinct qui nous feroit gémir par un premier mouvement à la rencontre d’une mere qui conduiroit son fils unique au tombeau, nous fait pleurer quand la scéne nous fait voir l’imitation fidelle d’un pareil évenement. On reconnoît si le poëte a choisi un objet touchant et s’il l’a bien imité ; comme on reconnoît sans raisonner si le peintre a peint une belle personne, ou si celui qui a fait le portrait de notre