Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/346

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d’ouvrages, dira-t-on, dont les ignorans ne peuvent sentir le prix. Par exemple, un homme qui ne sçait pas que le même Pharnace qui s’étoit allié aux romains contre son pere Mithridate, fut dépoüillé honteusement de ses états par Jules Cesar quelques années après, n’est point frappé de la beauté des vers prophetiques que Racine fait proferer à Mithridate expirant. Tôt ou tard il faudra que Pharnace périsse, fiez-vous aux romains du soin de son supplice. Les ignorans ne sçauroient donc juger d’un poëme en general, puisqu’ils ne conçoivent qu’une partie de ses beautez. Je prie le lecteur de ne point oublier la premiere réponse que je vais faire à cette objection. C’est que je ne comprens point le bas peuple dans le public capable de prononcer sur les poëmes ou sur les tableaux, comme de décider à quel dégré ils sont excellens. Le mot de public ne renferme ici que les personnes qui ont acquis des lumieres, soit par la lecture, soit par le commerce du monde. Elles sont les seules qui puissent