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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/370

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et non données. Le public ne sçait pas si le general n’a pas amené lui-même en resserrant l’ennemi ou bien en lui donnant des occasions de tomber dans une confiance témeraire, le hazard qui semble avoir été l’unique cause du succès de ce general, et si l’avantage qu’il tire de ce hazard n’est pas dû aux précautions que sa prévoïance avoit prises d’avance pour en profiter. Il ignore si le general pouvoit écarter, ou du moins s’il devoit prévoir le contre-temps qui fait avorter son entreprise, et qui l’a fait même paroître témeraire après qu’elle est manquée. Le public ignore si le gain de la bataille est l’effet du plan du general, ou s’il est dû à la présence d’esprit d’un officier subalterne. On peut dire la même chose du public quand il loüe ou quand il blâme le ministre, le magistrat, et même le médecin sur un évenement particulier. Il n’en est pas de même du public quand il loüe les peintres et les poëtes, parce qu’ils ne sont jamais heureux ni malheureux du côté du succès de leurs productions, qu’autant qu’ils ont mérité de l’être. Quand le public décide sur leurs ouvrages, il porte son jugement