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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/379

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peinture, d’autant plus qu’il aura été souvent obligé à écrire ou bien à peindre comme malgré lui, dans des momens où il ne sentoit aucun attrait pour son travail. Il est donc devenu insensible au pathétique des vers et des tableaux, qui ne font plus sur lui le même effet qu’ils y faisoient autrefois, et qu’ils font encore sur les hommes de son âge. C’est ainsi qu’un vieux médecin, bien qu’il soit né tendre et compatissant, n’est plus touché par la vûë d’un mourant autant que l’est un autre homme, et autant qu’il le seroit encore lui-même, s’il n’avoit pas exercé la médecine. L’anatomiste s’endurcit de même et il acquiert l’habitude de disséquer sans répugnance des malheureux, dont le genre de mort rend les cadavres encore plus capables de faire horreur. Les céremonies les plus lugubres n’attristent plus ceux dont l’emploi est d’y assister. Qu’il me soit permis d’user ici de l’expression dont Ciceron se servoit pour peindre encore plus vivement l’indolence de la république. Le cœur contracte un calus de la même maniere que les pieds et les mains en contractent. D’ailleurs, les peintres et les poëtes