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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/435

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trois années suffisent bien au public pour connoître si le poëme nouveau est bon ou s’il est médiocre, mais il lui faut peut-être un siecle pour en connoître tout le mérite, supposé qu’il soit un ouvrage du premier ordre dans son espece. Voilà pourquoi les romains, qui avoient entre les mains les élegies de Tibulle et de Properce, furent un temps avant que de leur associer celles d’Ovide. Voilà pourquoi les romains ne quitterent pas la lecture d’Ennius aussi tôt que les églogues et les bucoliques de Virgile eurent paru. C’est ce que signifie au pied de la lettre l’épigramme de Martial, où cet auteur a parlé poëtiquement, et que les poëtes qui ne réussissent pas citent si volontiers. Martial ne dit autre chose dans ce vers-ci. Il seroit d’autant plus ridicule de prétendre que Martial eut songé à dire que les romains aïent mis durant un temps les poësies d’Ennius à côté de l’éneïde, qu’il s’agit précisement dans ce vers de son épigramme de ce qui se passoit à Rome du vivant de Virgile. Or, tout le monde sçait bien que l’éneïde est