Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/436

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de ces ouvrages qu’on appelle posthumes, parce qu’ils ne sont publiez qu’après la mort de l’auteur. Je distingue dans un poëme deux sortes de mérite, qu’on me pardonne cette expression, un mérite réel et un mérite de comparaison. Le mérite réel consiste à plaire et à toucher. Le mérite de comparaison consiste à toucher autant ou plus que certains auteurs dont le rang est déja connu. Il consiste à plaire et à interesser autant que ces grecs et ces romains, qu’on croit communément être parvenus au terme que l’esprit humain ne sçauroit passer, parce qu’on n’a rien vû encore de meilleur que ce qu’ils ont fait. Les contemporains jugent très-bien du mérite réel d’un ouvrage, mais ils sont sujets à se tromper quand ils jugent de son mérite de comparaison, ou quand ils veulent décider sur le rang qui lui est dû. Ils sont sujets à tomber alors dans une des deux erreurs qu’on peut faire en prononçant sur ce point-là. La premiere erreur est d’égaler trop tost un ouvrage à ceux des anciens. La seconde est de le supposer plus éloigné de la perfection des ouvrages des