Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/505

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sçauroit prendre racine ni s’étendre qu’à l’aide de la conviction intérieure et émanée de la propre expérience de ceux qui la reçoivent, on peut alleguer le temps qu’elle a duré pour une preuve qui montre que cette opinion est établie sur la verité même. On est même bien fondé à soutenir que les generations à venir seront touchées en lisant un poëme qui a touché toutes les generations passées qui ont pû le lire en sa langue originale. Il n’entre qu’une supposition dans ce raisonnement, c’est que les hommes de tous les temps et de tous les païs soient semblables par le cœur. Les hommes ne sont pas donc autant exposez à être duppez en matiere de poësie qu’en matiere de philosophie, et une tragédie ne sçauroit, comme un systême, faire fortune sans un mérite véritable. Aussi voïons-nous que les hommes qui ne s’accordent pas sur les choses dont la verité s’examine par voïe de raisonnement, sont d’accord sur les choses qui se jugent par voïe de sentiment. Personne ne reclame contre ces décisions. Que la transfiguration de Raphaël est un tableau merveilleux, et que Polyeucte est une tragédie excellente.