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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/525

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son mérite par la voïe du sentiment, qui est ce sixiéme sens dont nous avons parlé. C’est à lui qu’il appartient de connoître si l’objet qu’on nous présente est un objet touchant et capable de nous attacher, comme il appartient à l’oreille de juger si les sons plaisent, et au palais si la saveur est agréable. Tous les discours des critiques ne mettent pas mieux celui qui n’entend pas le latin au fait du mérite des odes d’Horace, que le rapport des qualitez d’une liqueur dont nous n’aurions jamais goûté, nous mettroit au fait de la saveur de cette liqueur. Rien ne sçauroit suppléer le rapport du sens destiné à juger de la chose dont il s’agit, et les idées que nous pouvons nous en former sur les discours et sur les raisonnemens des autres, ressemblent aux idées qu’un aveugle né, peut s’être formées des couleurs. Ce sont les idées que l’homme qui n’auroit jamais été malade, peut s’être faites de la fiévre ou de la colique. Or comme celui qui n’a pas entendu un air n’est pas reçu à disputer sur son excellence contre ceux qui l’ont entendu, comme celui qui n’a jamais eu la fiévre, n’est point admis à contester sur l’impression