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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/526

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que fait cette maladie, avec ceux qui ont eu la fiévre, de même celui qui ne sçait pas la langue dans laquelle un poëte a écrit, ne doit pas être reçu à disputer contre ceux qui entendent ce poëte, concernant son mérite et l’impression qu’il fait. Disputer du mérite d’un poëte et de sa superiorité sur les autres poëtes, n’est-ce pas disputer de l’impression diverse que leurs poësies font sur les lecteurs, et de l’émotion qu’elles causent ? N’est-ce pas disputer de la verité d’un fait naturel, sur laquelle les hommes croiront toujours plusieurs témoins oculaires uniformes dans leur rapport, préferablement à tous ceux qui voudront en contester la possibilité par des raisonnemens métaphisiques. Dès que ceux qui n’entendent pas la langue dont un poëte s’est servi, ne sont point capables de porter par eux-mêmes un jugement sur son mérite et sur la classe dont il est, n’est-il pas plus raisonnable qu’ils adoptent le sentiment de ceux qui l’ont entendu, et de ceux qui l’entendent encore, que d’épouser le sentiment de deux ou trois critiques qui assurent que le poëme ne fait pas sur eux l’impression que tous les autres