Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/536

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le sont les peuples qui habitent des païs chauds, et pour qui toutes ces images furent inventées. Virgile et les autres poëtes anciens auroient emploïé des figures d’un goût opposé, s’ils eussent écrit pour les nations hyperborées. Au lieu de tirer la plûpart de leurs métaphores d’un ruisseau dont l’eau fraîche désaltere le voïageur, ou d’un bouquet de bois qui donne un ombrage délicieux aux bords d’une fontaine, ils les auroient empruntées d’un poële ou des effets du vin et des liqueurs spiritueuses. Ils auroient peint le plaisir vif que sent un homme pénetré du froid en s’approchant du feu, ou bien le plaisir plus lent, mais plus doux qu’il éprouve en se couvrant d’une fourure. Nous sommes bien plus sensibles à la peinture des plaisirs que nous sentons tous les jours, qu’à la peinture des plaisirs que nous n’avons jamais goûtez, ou que nous avons goûtez rarement, et que nous ne regrettons gueres. Indifferens et sans goût pour le plaisir même que nous ne souhaitons pas, nous ne pouvons être affectez vivement par sa peinture, fut-elle faite par Virgile. Quel attrait peuvent avoir pour bien des personnes du nord qui ne burent jamais une goute