Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/540

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rassasier de lire Horace et Virgile, tandis que ceux qui ne peuvent lire ces poëtes que dans les traductions, y trouvent un plaisir si médiocre qu’ils ont besoin de faire un effort pour achever la lecture de l’éneïde. Ils ne se peuvent lasser d’admirer qu’on lise les originaux avec tant de plaisir. D’un autre côté ceux qui sont surpris que des ouvrages dont la lecture les charme, dégoûtent ceux qui les lisent dans des traductions, ont autant de tort que les premiers. Les uns et les autres devroient faire refléxion que ceux qui lisent les odes d’Horace en françois, ne lisent pas les mêmes poësies que ceux qui lisent les odes d’Horace en latin. Ma reflexion est d’autant plus vraïe, qu’on ne sçauroit apprendre une langue sans apprendre en même-temps plusieurs choses des mœurs et des usages du peuple qui la parloit, ce qui donne une intelligence des figures et de la poësie du stile d’un auteur, laquelle ceux qui n’ont pas ces lumieres ne sçauroient avoir. Pourquoi les françois lisent-ils avec si peu de goût les traductions de l’Arioste et du Tasse, quoique la lecture du Roland furieux , et de la Jer