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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/542

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notre mémoire, et de former notre jugement. Mais le mérite principal de la poësie consiste à nous toucher. C’est l’attrait de l’émotion qui fait lire un poëme. Ainsi le plus grand mérite d’un poëme nous échappe quand nous n’entendons pas les mots choisis par le poëte même, et quand nous ne les voïons point dans l’ordre où il les avoit arrangez pour plaire à l’oreille, et pour former des images capables de remuer le cœur. En effet, qu’on change les mots des deux vers de Racine que nous avons déja citez. Enchaîner un captif de ses fers étonné contre un joug qui lui plaît vainement mutiné. Et qu’on dise en conservant la figure : mettre des fers à un prisonnier de guerre qui en est surpris et qui fait en vain le mutin contre un joug agréable , on ôte à ces vers l’harmonie et la poësie du stile. La même figure ne forme plus la même image. On barboüille, pour ainsi dire, la peinture que les vers de Racine offrent dès qu’on dérange ses termes et qu’on substituë la définition du mot à la place du mot. Q