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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/544

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coloris, sur une estampe où le trait de son dessein seroit encore corrompu. Un poëme perd dans la traduction l’harmonie et le nombre que je compare au coloris d’un tableau. Il y perd la poësie du stile que je compare au dessein et à l’expression. Une traduction est une estampe où rien ne demeure du tableau original que l’ordonnance et l’attitude des figures. Encore y est-elle alterée. Juger d’un poëme sur la traduction et sur les critiques, c’est donc juger d’une chose destinée à tomber sous un sens sans la connoître par ce sens-là. Mais se faire l’idée d’un poëme sur ce que les personnes capables de l’entendre en sa langue, déposent unanimement concernant l’impression qu’il fait sur elles, c’est la meilleure maniere d’en juger quand nous ne l’entendons pas. Rien n’est plus raisonnable que de supposer que l’objet feroit sur nous la même impression qu’il fait sur elles, si nous étions susceptibles de cette impression autant qu’elles le sont. écouteroit-on un homme qui voudroit prouver par de beaux raisonnemens que le tableau des nôces de Cana de Paul Veronese qu’il n’auroit pas vû, ne sçauroit plaire autant que le disent ceux qui