Aller au contenu

Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/545

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ont vû, parce qu’il est impossible qu’un tableau plaise lorsqu’il y a dans la composition poëtique de l’ouvrage autant de défauts qu’on en peut compter dans le tableau de Paul Veronese ? On diroit au critique d’aller voir le tableau, et l’on s’en tiendroit au rapport uniforme de tous ceux qui l’ont vû et qui assurent qu’il les a charmez malgré ses défauts. En effet, le rapport uniforme des sens des autres hommes, est après le rapport de nos propres sens, la voïe la plus certaine que nous aïons pour juger du mérite des choses qui tombent sous le sentiment. Les hommes le sçavent bien, et l’on n’ébranlera jamais la foi humaine, ou l’opinion prise sur le rapport uniforme des sens des autres. On ne sçauroit donc, sans une témerité inexcusable, dire avec confiance lorsqu’il est question d’un poëme qu’on n’entend pas : que l’opinion que les hommes ont qu’il est excellent, n’est qu’un préjugé d’éducation fondé sur des applaudissemens,… etc. et c’est être encore plus témeraire que de composer l’histoire imaginaire de ce préjugé.