Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/547

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nous révolte. Il est difficile qu’il n’échappe point alors des choses dures aux personnes les plus moderées. Or tous ceux qui ont appris le grec et l’anglois, sçavent bien qu’un poëte grec qu’on traduit en françois perd beaucoup plus de son mérite qu’un poëte françois qu’on traduit en anglois. Tous les jugemens et tous les paralelles qu’on peut faire des poëmes qu’on ne connoît que par les traductions et par les dissertations des critiques, conduisent infailliblement à des conclusions fausses. Supposons, par exemple, que la Pucelle et le Cid soient traduits en polonois, et qu’un sçavant de Cracovie, après avoir lû ces traductions, juge de ces deux poëmes par voïe d’examen et de discussion. Supposons qu’après avoir fait méthodiquement le procès au plan, aux mœurs, aux caracteres et à la vraisemblance des évenemens, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel, il apprétie ces deux poëmes, certainement il décidera en faveur de la Pucelle, qui se trouvera dans cette operation un poëme plus régulier et moins défectueux en son genre que le Cid ne l’est dans le sien. Si nous supposons encore que ce