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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/553

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avec décence et avec gravité quand tout le monde sçavoit que le géneral des germains et l’officier des romains en étoient venus aux injures en présence des armées des deux nations, et qu’ils en seroient venus aux coups, sans le fleuve qui les séparoit ? Prenons un exemple qui nous frappe encore davantage. Aujourd’hui la profession d’historien et la profession de poete sont deux professions très-séparées. Nous avons des annalistes que nous lisons quand nous voulons nous instruire de la verité des faits, et nous ne cherchons que de l’agrément dans la lecture de nos poetes. Croïons-nous cependant que Chapelain qui écrivit son poeme de la Pucelle quand il y avoit déja bien plus de temps que l’évenement qu’il chantoit étoit arrivé, qu’il n’y en avoit que Troye avoit été prise par les grecs, quand Homere composa son Iliade ? Croïons-nous, dis-je, que Chapelain fut le maître de traiter et d’embellir à son gré le caractere de ses acteurs principaux ? Pouvoit-il faire d’Agnès Sorel une fille violente et sanguinaire, ou une personne sans élevation d’esprit, et qui auroit conseillé à Charles Vii de vivre avec elle dans l’obscurité ?