Page:Dubut de Laforest - Mademoiselle de Marbeuf, 1888.djvu/7

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Le 18 août. — Lentement.

Le 19 août. — Sûrement.

Le 20 août. — Froidement.

Le 21 août. — Joyeusement !

Le 25 août.—Je relis et j’adapte à ma situation la fin du monologue d’Hamlet, après le départ de Rosencrantz et de Guildenstern. Jamais terribles paroles ne furent plus en harmonie avec mes esprits : «... Et cependant, moi, drôlesse stupide et au cœur de boue, je suis là inerte comme un Jeannot rêveur, insensible à ma cause... Suis-je une femme lâche ? Qui veut m’appeler scélérate ? Qui veut me frapper au travers du visage ? Qui veut m’arracher la chevelure et me la jeter à la face ? Qui veut me tirer par le nez ? Qui veut me donner le démenti par la gorge, et me l’enfoncer jusqu’aux poumons ? Qui veut me faire cela, eh ! sang de Dieu ! je l’accepterais, car il est trop évident que j’ai un foie de pigeon, et que je manque de fiel pour donner à l’ennemi l’amertume qui lui convient ; sans cela, j’aurais déjà engraissé tous les vautours du pays avec la charogne de ce brigand. Scélérat corrompu ! Scélérat dénaturé, traître, paillard, sans remords ! Oh ! vengeance ! — Oh ! quelle bourrique je suis ! Voilà qui est fort courageux à moi, fille d’un gentilhomme et d’une princesse, à moi qui suis excitée à la vengeance par le ciel et l’enfer, de soulager mon cœur par des mots comme une putain, et d’être là à maudire, comme une vraie souillon, comme une marmitonne ! Fi donc ! fi ! A votre tâche, ma pensée !... » Hamlet n’avait besoin que d’une pensée pour armer son bras d’un poignard et le conduire, et moi, plus triste, plus malheureuse, j’ai besoin non seulement de toutes les lumières de mon cerveau, mais de toutes les complaisances de mes membres. A votre tâche, mon corps !...

Le 2 septembre. — Il est méconnaissable : teint jaune et joues creuses. Dos voûté, jambes grêles et tremblantes.

Le 3 septembre. — Les cheveux grisonnent, le front se ride, la patte d’oie s’accentue.

Le 5 septembre. — Grisé de cantharides, il perd la tête :il court sur la plage et murmure des paroles obscènes à l’oreille des baigneuses.

Le 6 septembre. — Les arcades sourcilières sont molles, flasques et incapables de maintenir le monocle.

Le 7 septembre. — Au Casino, une Française a demandé, en regardant M. de Torcy :— Quel est donc ce vieux petit monsieur ?Une autre a dit : — Il est malade, fou !

Le 9 septembre. — Gontran est alité. Nouvelle ordonnance : peptones de viande.

Le 10 septembre. — Fièvre ;délire ....