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Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/92

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JOURNAL

chèrement au monde, son pays, son épouse, ses parens, ses amis. Mais il ne peut encore jouir de son bonheur ; ce n’est qu’une perspective ; il lui reste des mers sans limites à franchir ; un voyage dispendieux à entreprendre, et il est sans ressources, sans moyens, et le plus grand nombre de ses compatriotes aussi. Sydney ne put offrir qu’une existence difficile à ces étrangers ; lorsqu’ils reçurent leur pardon, ce n’était que depuis 42 qu’il leur était permis de s’habiter ; jusqu’alors ils avaient été détenus dans un établissement pénal. Leur anxiété est extrême ; fatigués, harassés jusqu’à l’épuisement par les misères et privations d’une longue captivité ; toujours présente à leur esprit l’image de leurs épouses, de leurs enfans dans les angoisses de l’absence ; Ils sont impatients de sortir des lieux où ils n’éprouvèrent jamais que vexations et vicissitudes. Heureusement ce pénible état d’indécision ne devait pas être de longue durée. Une lettre du Canada arrivée à un des exilés ; elle nous apprend que nos amis ont prévu notre situation, nos besoins, qu’ils ont souscrit à la formation de quelque fonds pour aider à notre retour dans nos foyers. Là-dessus nous nous voyons, nous nous consultons sur nos moyens respectifs ; ceux qui ont le plus tendent la main à ceux qui ont moins, et voilà enfin que nous nous comptons au nombre de 38 en état de prendre nos passages jusqu’en Angleterre, et nous quittons effectivement Sydney le 10 juillet dernier, et au bout de quatre mois et demi de navigation nous touchons à cette terre ; toujours sous l’impression que les fonds et deniers en question y seront parvenus avant nous, et qu’ils auront été adressés à celui qui fut toujours l’ami dévoué des canadiens, le défenseur déclaré de leur cause. Voilà, Monsieur, le faible et imparfait détail des circonstances qui m’emmènent aujourd’hui devant vous.

Il ne me reste plus qu’à vous demander pardon pour mon extrême hardiesse, et vous supplier de croire que de quelque renseignement que ce soit qu’il vous plaise m’honorer, je les apprécierai comme je le dois ainsi que mes autres compagnons. »

J’ai l’honneur d’être &c.
HPT. LANCTOT