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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/118

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eût imaginé pour les besoins du système, et comme l’avait fait Diderot, je ne sais quelle parente encyclopédique entre les théologiens et les jardiniers ? L’essentiel n’était-il pas pour le lecteur que, dans les articles mêmes, on lui parlât bien et pertinemment ici des dogmes, là des légumes ?

C’était encore une manie du siècle non seulement de classer les sciences, mais d’envisager tous les êtres de la création d’après les facultés humaines que ces sciences mettent en jeu et d’après les rapports plus ou moins artificiels que ces êtres soutiennent avec l’homme. Buffon lui-même écrivait, en 1749, c’est-à-dire à l’époque où d’Alembert composait son Discours : « Il nous est plus facile, plus agréable et plus utile de considérer les choses par rapport à nous que sous un autre point de vue… Ne vaudrait-il pas mieux faire suivre le cheval, qui est solipède, par le chien, qui est fissipède et qui a coutume de le suivre en effet ( !) que par un zèbre, qui nous est peu connu, et qui ne peut avoir d’autre rapport avec le cheval que d’être solipède[1] ? ».

De toutes nos critiques cette dernière paraît la plus grave puisqu’elle s’adresse au fondement même du Discours : cependant d’Alembert ne s’en fût pas, et avec raison, autrement ému. L’esquisse historique, qu’il a tracée d’abord des progrès de l’esprit humain, puis, la classification des sciences qu’il a tentée en s’inspirant de ces progrès mêmes, ne pouvaient être, et il le savait bien, qu’approximatives et provisoires. Les siècles, en effet, à mesure qu’ils perfectionnent les sciences anciennes et en fondent de nouvelles, non seulement agrandissent l’horizon intellectuel de l’humanité, mais ils déplacent encore les provinces du savoir en supprimant les barrières que notre docte ignorance avait élevées entre des faits dont la ressemblance éclate plus tard à nos yeux. « Nous sommes, disait sagement d’Alembert, trop convaincus de l’arbitraire qui régnera toujours dans une pareille division (il parle de son arbre généalogique) pour croire que notre système soit l’unique et même le meilleur ». Le

  1. Hist. naturelle, 1er Discours.