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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/296

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brûlant, ses regards furieux, sa tête échevelée, tous ses sens agités comme ils le sont lorsque, dominé par son divin enthousiasme, il rend ses oracles sur le trépied philosophique. Ce centre renfermait l’élite des troupes, c’est-à-dire tous ceux qui travaillent à ce grand Dictionnaire dont la suspension fait gémir l’Europe » (c’étaient les expressions de Voltaire). C’est encore Diderot qui rend compte, après la victoire, des péripéties de l’action au Sénat très philosophique siègeant aux Tuileries : « Le vaillant Dortidius en fit le récit d’un style sublime, mais inintelligible. » Un homme qui était capable d’aiguiser contre les philosophes d’aussi fines épigrammes ne méritait-il pas en effet « le carcan » et que devait-on penser, s’écrie Voltaire, d’un M. de Malesherbes qui tolérait de telles « infamies », sinon que « Fréron étant le dernier des hommes, son protecteur était à coup sûr l’avant-dernier » ?

Ce n’est pas seulement Voltaire qui demandait, avec son ordinaire débordement d’injures contre ses ennemis, qu’on fermât la bouche à Fréron. Un autre apôtre de la tolérance, d’Alembert, dénonçait, on va voir sur quel futile prétexte, le journaliste indépendant aux sévérités du directeur de la Librairie : « Dans un endroit des Cacouacs (d’Alembert s’inquiétait des Cacouacs !), il est parlé de la géométrie. Fréron, en rapportant cet endroit, a ajouté une note, dans laquelle il cite un de mes ouvrages, pour faire connaître que l’auteur a voulu me désigner en cet endroit. Mes amis m’ont représenté, Monsieur, que les accusations de l’auteur des Cacouacs (qui n’étaient que d’inoffensives platitudes), étaient trop graves et trop atroces pour que je dusse souffrir d’y être impliqué nommément ; je prends donc la liberté de vous porter mes plaintes du commentaire que Fréron a fait à mon sujet et de vous en demander justice. » C’est alors que Malesherbes, qui aimait pourtant les philosophes, ne put se défendre d’écrire à Morellet la lettre que nous avons mentionnée plus haut et qui pésera sur la mémoire des Encyclopédistes. Fréron, en somme, avait le droit de dire dans son Année littéraire : « Les philo-