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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/152

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Attribuaient-ils à la Terre une circulation annuelle autour du Soleil ? On l’a pensé enlisant ce qui suit[1] :

« L’Écriture dit : « Il fit des cieux une tente pour le Soleil », c’est-à-dire ; Le Soleil sacré a établi sa résidence dans les cicux qui lui servent de dais. Dès qu’il est entré dans les cieux et s’en pare, « il est comme un époux qui sort de dessous son dais. » Il se réjouit et parcourt les cieux. De là il s’en va et monte dans une autre tour qui est dans un autre endroit. Telle est la signification des paroles de l’Écriture : « Il sort de l’extrémité du ciel et son orbite est à l’autre extrémité », c’est-à-dire : Il part du Monde supérieur et arrive en ce bas Monde.

» Le mot : outhqouphatho exprime l’idée de rondeur, c’est-à-dire la Terre. C’est pour la même raison qu’on appelle la durée d’une année : thqouphath ha-sand, parce que dans cet espace de temps, la Terre a vu tous les rayons de la circonférence solaire, qu’elle entoure de tous côtés. « Et il n’y a personne qui se cache à sa » chaleur », dit l’Écriture. De même que le Soleil, qu’il soit visible sur la Terre ou non, ne cesse d’avoir la Terre exposée aux rayons de sa circonférence, de même, il n’y a rien qui puisse se cacher de lui. »

Ces mots : « Dans la durée d’une année, la Terre a vu tous les rayons de la circonférence solaire qu’elle entoure de tous côtés », suggèrent à Pauly cette réflexion[2] : « Le mouvement de la Terre autour du Soleil était donc enseigné par la Tradition. »

À cette phrase obscure et imprécise, est-il raisonnable d’attribuer cette signification savante, alors qu’aucun mot du contexte ne nous y autorise, alors que, bien plutôt, les phrases précédentes nous en dissuadent ? Ces phrases précédentes, en effet, nous parlent toutes du mouvement du Soleil ; elles nous en parlent, d’ailleurs, en un langage figuré, allégorique, poétique ; elles ne prétendent aucunement nous donner un enseignement astronomique ; si on leur attribuait une semblable prétention, si on les prenait exactement au pied de la lettre, on en ferait un ramas d’absurdités. N’est-il pas clair que les paroles où Jean de Pauly a voulu voir une adhésion à la théorie d’Aristarque de Samos ne sont que l’expression peu précise de cette vérité, sur laquelle insistent les lignes suivantes : Il n’est aucun point sur la Terre qui, au cours d’une année, n’ait vu le Soleil ?

En résumé, les Kabbalistes nous sont apparus comme aussi peu

  1. Zohar, I, fol. 9a ; t. I, pp. 49-50.
  2. Zohar, t. I, p. 49, en note.