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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

a un rapport, dès là que nous admettons que le vide est doué de dimensions. »

Cette opinion était nouvelle pour Bacon lorsqu’il rédigeait la seconde série de ses questions sur la Physique ; en effet, en la première série, il avait soutenu l’opinion contraire. Voici, en effet, quel raisonnement il y développait[1] afin de prouver que tout mouvement est impossible dans le vide.

« Tout mouvement existe dans le devenir et la succession. Or, en la succession, il y a un avant et un après qui proviennent de l’avant et de l’après dont la grandeur est affectée. Aussi en résulte-t-il, au chapitre du temps, que l’avant et l’après dans le mouvement sont causés par l’avant et l’après qui sont en la grandeur sur laquelle se fait le mouvement. C’est donc de la grandeur de l’espace que provient la succession du mouvement et, partant, l’avant et l’après. Mais, dans le vide, il n’y a ni grandeur ni espace corporel. Un mouvement n’y peut donc exister d’aucune manière. Ce que j’accorde. » La pensée de Bacon a donc varié entre le moment où, sur la Physique, il composait sa première série de questions, et le moment où il rédigeait la seconde série. Mais ensuite, elle est demeurée immuable.

L’argumentation que nous avons empruntée à la seconde série des Questions de Physique, nous la retrouvons, sommairement reproduite, dans l’Opus tertium[2] ; Bacon lui donne alors cette conclusion[3] :

« Les raisons données prouvent, je l’accorde, que le mouvement dans un espace vide ne se fera pas en un instant ; mais il n’en résulte pas que le mouvement durera un certain temps, car entre ces deux propositions, il y a place pour une troisième : c’est que le vide ne peut céder le passage à un corps. Mais s’il livrait passage, il en résulterait bien qu’en lui un mouvement se peut faire, pourvu que ce ne soit pas un mouvement naturel. »

Des considérations toutes semblables se retrouvent aux Communia naturalium[4] : « Ici, dit Bacon, surgit une question plus importante, qui est celle-ci : Si l’on admettait que le vide

1. Rogeri Bacon Questiones naturelles et primo questiones libri phisicorum. Lib. rv, in fine. Bibl. municipale d’Amiens, ms. n° 406, fol. 24, coll. b et c.

2. Rogeri Baconis Opus tertium, cap. XL II ; éd. Brewer, p. 150.

3. Roger Bacon, toc. cit. ; éd. cit., p. 153.

4. Opéra hactenus inedita Rogeri Bacon. Liber primus communium naturalium Fratris Rogeri. Edidit Robert Steele. Oxonii. MCMXI. Pars III, dist. II, cap. IV, pp. 208-210.

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