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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

pris, par un exact péripatéticien, comme propre à convaincre. Mais la faiblesse d’un argument l’a-t-elle jamais empêché d’avoir vogue ?

Celui-ci paraît avoir séduit nombre de philosophes du xiiie siècle, et non des moindres.

Parmi eux, nous devons, tout d’abord, citer Guillaume d’Auvergne.

Supposons, dit l’Évêque de Paris[1], qu’il existe plusieurs mondes ou une infinité de mondes extérieurs les uns aux autres. Outre ces mondes, existera-t-il quelque corps qui leur soit extérieur et étranger ? Assurément non. L’existence d’un tel corps est impossible ; elle l’est pour des raisons toutes semblables à celles qu’invoquent les partisans de l’existence de notre monde lorsqu’ils veulent prouver que, hors de ce mondeci, il n’existe aucun corps. « Nécessairement, en effet, un monde contient ou l’universalité absolue des corps, ou bien l’universalité des corps qui lui conviennent. On ne saurait donc imaginer un corps qui ne convienne ni à ce monde-ci ni à aucun autre monde. »

Puisqu’entre ces divers mondes, il ne saurait exister aucun corps de quelque nature que ce soit, voilà donc les diverses surfaces sphériques qui les bornent obligées de se toucher les unes les autres non pas seulement en un point, mais suivant certaines aires ; aucune distance, en effet, ne peut séparer ces sphères les unes des autres ; «seule, la présence d’un corps intermédiaire peut faire qu’il existe une distance entre deux corps. »

Dira-t-on qu’entre ces deux mondes que rien ne sépare, il y a le vide[2] ? Mais le vide est une impossibilité que Guillaume d’Auvergne établit par divers arguments. Voilà donc les partisans de la pluralité des mondes acculés à cette absurdité : Deux sphères peuvent se toucher non pas en un point, mais tout le long d’une surface.

Cet argument n’est pas le seul que Guillaume d’Auvergne oppose à la pluralité des mondes ; il en formule d’autres que nous retrouverons au chapitre spécialement consacré à l’exa¬

1. Guillelmi Parisiensis De Uniucrso ; Primæ partis principales pars prima (Guillelmi Parisiensis Opéra anima, tomus II ; Parisius, apud Franciscum Régnault, MDXVI. Secundus tractatus, Cap. III ; fol. xcviij, col. a. — Guillelmi Parisiensis Opéra onmia, t. I ; Aureliae, ex typographia F. Hottot. Et vaeneunt Parisiis apud Ludovicum Billaine. MDCLXXIV. Cap. XIII.)

2. Guillaume d’Auvergne, lac. cit. ; éd. 1516, cap. IV, t. II, fol. xcviii, col. a et b ; éd. 1674, cap. XIV.

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