Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
31
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

men de cette question et des discussions qu’elle a provoquées ; pour le moment, le problème de la pluralité des mondes ne nous intéresse que par les liens qui le rattachent au problème de la possibilité du vide.

Nous ne saurions nous étonner de reconnaître, dans les écrits de Roger Bacon, l’influence de Michel Scot et de Guillaume d’Auvergne. À plusieurs reprises, il cite le Traducteur d’Aristote, encore qu’il le malmène fort. Quant à l’Évêque de Paris, il nous conte qu’en sa jeunesse, il en avait recueilli l’enseignement.

Il est, d’ailleurs, une autre influence que Roger Bacon avait grandement éprouvée, et qui le pressait de regarder le vide comme une impossibilité, qui l’autorisait à prendre cette impossibilité comme un axiome propre à supporter des démonstrations. Cette influence est celle de Robert Grosse-Teste.

Dès le début de son enseignement, Bacon se montre soucieux d’affirmer que la production du vide est impossible. Les Questions sur la Physique que nous conserve un manuscrit de la Bibliothèque municipale d’Amiens semblent être, avons-nous dit, des témoins de la pensée de Bacon alors qu’il n’était encore que maître ès-arts à l’Université de Paris. Or, en la seconde série de ces questions, nous le voyons, à propos du quatrième livre de la Physique, répondre à cette demande[1] : « Faut-il admettre l’existence réelle du vide ? » Voici sa réponse :

« Que le vide ne puisse être, cela paraît. En effet, s’il existait, il serait une substance ou un accident. Mais le vide n’est pas une substance incorporelle, car il serait âme ou intelligence. Il n’est pas non plus une substance qui soit corps car il occuperait un lieu. Enfin il n’est pas un accident, car aucun accident ne peut exister séparé d’une substance, et le vide est une dimension séparée. Il n’est donc rien du tout (ergo nichil est), ce que j’accorde avec Aristote, car Aristote dit que le vide n’est rien du tout. »

Est-ce à dire, toutefois, que la production d’un accident séparé de toute substance et, partant, du vide soit interdite même à la toute-puissance de Dieu ? Bacon ne l’accorde pas sans précaution. Comme tous les Scolastiques, il distingue entre la toute-puissance absolue de Dieu, à laquelle rien n’est impossible que ce qui est contradictoire, et la toute-puissance

1. Questiones supra librum phisicorum a magistro dicio bacuun. Queritur utrum sit ponere vacuum in natura. (Bibliothèque municipale d’Amiens, ms. n° 406, fol. 48, col. d.)

  1. 1