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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

comme aux Communia naturalium[1], il répète que les dimensions séparées ne sauraient exister, car elles seraient un accident isolé de toute substance : « Accidens non potest per se stare. » — « Accidens non potest esse sine subjecto. » L’existence du vide apparaît, en vertu de ces formules comme une impossibilité pure.

On peut donc se servir de cette impossibilité comme d’un axiome et en déduire, par exemple, qu’il ne saurait exister plusieurs mondes.

En son Opus majus, Roger Bacon consacre un chapitre[2] à l’examen de ces deux questions : Peut-il exister plusieurs mondes ? La matière du monde s’étend-elle à l’infini ? Voici ce qu’on lit en ce chapitre :

« Aristote dit, au premier livre Du Ciel et du Monde, que le Monde réunit toute sa matière propre en un seul individu d’une seule espèce, et qu’il en est de même de chacun des corps principaux dont le Monde se compose ; en sorte que le Monde est numériquement unique, qu’il ne peut exister plusieurs mondes distincts appartenant à cette même espèce, et qu’il ne peut davantage exister ni plusieurs soleils ni plusieurs lunes, bien que beaucoup de gens aient imaginé de telles suppositions.

» En effet, s’il existait un autre monde, il serait de figure sphérique comme celui-ci. Ces deux mondes ne pourraient être distincts l’un de l’autre, car s’ils l’étaient, un espace vide serait assignable entre eux, ce qui est faux. Il faudrait donc qu’ils se touchassent ; mais par la XIIe proposition du IIIe livre des Eléments d’Euclide, ils ne se pourraient toucher qu’en un point, ainsi qu’on l’a précédemment démontré par le moyen de cercles. Dès lors, partout ailleurs qu’en ce point, il y aurait entre eux un espace vide. »

En l’Opus tertium[3], Bacon reprend simplement et sommairement l’argumentation d’Aristote contre la pluralité des

1. Liber primas Communium naturalium Fratris Rogeri, pars III, De existencia vacui secundum se. Ed. Steele, p. 217.

2. Fratris Rogeri Bacon, Ordinis Minorum, Opus Mafus ad Clementem quartum, Pontifîcem, Romanum, ex Ms. Codice Dubliniensi, cum aliis quibusdam collato, nunc primum edidit S. Jebb, M. D. Londinî, typis Gulielmi Bowyer, MDCCXXXIII, p. 102 (marquée, par erreur, 98). Pars quarta, Dist. IV, Cap. XII : An possint esse plures mundi, et an materia mundi sit extensa in înfinitum.

3. Fr. Rogeri Bacon Opéra quaedam hactenus inedita. Vol. I, contained : I. Opus tertium. — Opus minus. — III. Compendium philosophiæ. Edited by J. S. Brewer, London, 1859. Opus tertium, cap. XLI, pp. 140-141. 3

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