Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
46
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

positif et actuel, soit un intervalle privatif et potentiel. En un sens comme en l’autre, il n’y a pas d’intervalle entre deux corps qui se touchent, entre deux surfaces qui coïncident. Mais entre les parois d’un espace vide, s’il n’y a pas d’intervalle au premier sens, il y a un intervalle au second sens ; entre ces parois, en effet, un corps pourrait être compris, corps précisément égal à celui qui y est compris lorsque cet espace est plein d’une manière actuelle ; là donc, il y a un intermédiaire potentiel ; et il en résulte que c’est un intermédiaire privatif, ou qu’il y a un intermédiaire d’une manière privative, car ces parois manquent d’un intermédiaire précisément égal à celui qui pourrait être compris entre ces deux extrémités…

» Formellement, la distance consiste en un certain rapport entre deux extrêmes ; ce rapport réside en l’un des deux extrêmes ; et a l’autre pour terme. Ici, on peut assigner [à la distance entre les parois opposées d’un espace vide] deux termes positifs, bien qu’il n’y ait pas d’intervalle positif. Si, par cela seul que les deux termes entré lesquels il est établi sont positifs, un rapport était appelé positif, nous pourrions admettre qu’il y a, ici, distance positive ; mais si [pour donner au rapport le titre de positif] on requérait, en outre, que l’intervalle fût positif, on devrait dire qu’il y a ici distance privative et potentielle, mais non distance positive et actuelle. »

Cette théorie du vide où, si clairement, transparaît la pensée d’Henri de Gand, Duns Scot la rapproche de sa théorie du temps.

Si le premier ciel se meut, il y a un temps positif et actuel ; entre deux instants donnés s’écoule telle durée positive et actuelle, c’est-à-dire partie réelle du mouvement diurne. Si Dieu arrêtait le premier ciel, il n’y aurait plus de temps positif et actuel, mais il y aurait encore un temps privatif et potentiel ; si, dans le mouvement d’un corps quelconque ou même dans le repos du ciel, on concevait deux instants, il n’y aurait plus, entre ces deux instants, de durée positive, parce qu’entre eux, ne s’accomplirait réellement aucune partie du mouvement diurne ; mais entre eux s’écoulerait cependant une durée potentielle de grandeur déterminée, c’est-à-dire que, si le premier ciel avait continué de se mouvoir, il se serait accompli, entre ces deux instants, une partie déterminée du mouvement diurne.

« Il en est de même, dans le cas qui nous occupe, de la distance positive et de la distance privative*qui concernent le lieu. De même que la durée privative mesure les parties successives de. quelque chose, de même la distance privative en mesure les