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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

parties permanentes. Aussi peut-on, à l’appui de ce que nous voulons établir, apporter l’argument que voici : Entre deux choses, il est possible qu’il y ait, pour ainsi dire, une distance dans le temps, bien qu’il n’y ait, entre ces choses aucun temps positif intermédiaire, c’est-à-dire aucune mesure positive du mouvement [céleste] ; pour qu’il y ait entre elles une sorte de distance temporelle, il suffit qu’il existe un temps potentiel et pris d’une manière primative ; cela suffit pour dire que l’une vient avant l’autre ou après l’autre à telle distance temporelle. Par similitude, on peut conclure qu’il en est de même du lieu et de la distance locale. »

Aristote, en son argumentation contre le vide, a souvent visé ceux qui regardent le vide comme un corps, pourvu de grandeur, de dimensions, mais dépourvu de toutes autres propriétés physiques. Il avait eu soin, d’ailleurs, de remarquer que cette argumentation, en même temps que le des Atomistes, atteignait la de Platon. Duns Scot accorde à Aristote qu’un tel vide ne saurait recevoir aucun corps ; pas plus que le Stagirite, en effet, il n’admet la compénétration des corps ; il ne songe même pas à la possibilité d’une mixtion totale semblable à celle que considéraient les Stoïciens ; la pensée de regarder le lieu comme un corps pénétrable, à la façon dont l’ont considéré Syrianus ou Proclus, ne lui vient même pas à l’esprit. Le vide, selon lui, ce ne sont pas des dimensions actuellement séparées, c’est-à-dire un corps véritable, bien qu’il n’ait pas d’autre propriété que la grandeur ; le vide, ce sont seulement des dimensions potentielles, c’est-à-dire une possibilité de recevoir un corps de grandeur et de figure déterminées ; de même que le temps potentiel, ce n’est pas un certain mouvement ; c’est seulement une possibilité de recevoir un mouvement de durée déterminée.

Que sont, au juste, ces deux possibilités ?

Sont-ce deux concepts ? Assurément ; Duns Scot déclare explicitement que nous avons la connaissance distincte du temps potentiel. Ne sont-ce que deux concepts ? Certainement non ; ce sont choses sinon réalisées, du moins réalisables. Le temps potentiel sera réalisé après la fin du Monde, lorsque le mouvement diurne sera arrêté ; il a été réalisé pendant la station du ciel ordonnée par Josué. S’il plaisait à Dieu d’anéantir ces éléments sans rien changer au ciel, le vide, l’espace potentiel serait réalisé.