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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

notre Monde, c’est ce que ce dominicain formule[1] avec une netteté qui n’a’été atteinte par^aucun autre.

« Si Dieu avait pouvoir de créer un second monde, dit Holkot, il faudrait qu’il le créât quelque part (alicubi) comme ce monde-ci, de telle sorte qu’entre les diverses parties de ce monde-là, il y eût des distances. Mais, je le demande, qu’y a-t-il actuellement là où ce monde eût été créé ? Rien ou bien quelque chose ? S’il y a quelque chose, il y a donc, en fait, quelque chose hors du Monde. S’il n’y a rien, on peut raisonner ainsi : Hors du Monde, il n’y a rien, et, fhors du Monde, il peut exister quelque chose ; donc, hors du Monde, il y a le vide ; car là où un corps peut exister et où il n’y a pas de corps, il y a le vide. Donc, maintenant, le vide existe. »

À cet argument, Holkot ne répond pas ; mais comme, un peu plus loin[2], nous l’entendons dire qu’il n’y a aucune contradiction à supposer que Dieu peut créer un second monde, nous devons penser qu’il souscrit à la conclusion qu’il vient de formuler : Maintenant, le vide existe.

En un autre endroit[3], d’ailleurs, Holkot proclame très explicitement la possibilité d’un espace vide.


J. Walter Burley


Au xive siècle, donc, les théologiens paraissent unanimes à déclarer que la. foi en la toute puissance de Dieu requiert que l’on croie à la possibilité du vide à l’intérieur du Monde, voire à son existence actuelle hors des bornes de l’Univers. C’est un point où les conséquences du dogme révélé se heurtent en une contradiction absolue aux enseignements des philosophes.

En ce conflit, quelle va être l’attitude de ceux qui ont pour

1. Magistri Roberti Holkot Super quatuor libros serdentiarum questiones. Quedam conferentie. De imputabilité peccati questio longa. Determinationes quarundam aliarum questionum. Tabule duplices omnium predictorum. Colophon : Hujus operis diligenter impressi Lugduni a magistro Johanne Trechsel alemanno. anno salutis nostre. MCCCCXCVII. ad nonas Aprilis.

Une autre édition porte le même titre et ce colophon : Hujus operis diligenter impressi Lugduni a magistro Johanne cleyn alemano. Anno salutis nostre M. quingentesimodecimo ad idus Aprilis charte huiuscemodi characteribus signate. Suit le registrum.

Lib. II, quæst. IL art. I : Utrum Deus ab æterno sciverit se producturum mundum. 3m principale. 2. Roberti Holkot Quæst. cit., art. VI : Deus potest facere quicquid non includit contradictionem. 3. Roberti Holkot Op. laud., lib. II, quæst. III : Utrum dæmones libéré peccaverunt. Ad ratîones Hibernici.

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