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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

lignes qu’elles décrivent dans leur mouvement concourraient à ce même centre.

» Il est donc évident^que chacune des parties d’un corps qui tombe de chute naturelle est soumise à deux forces qui l’inclinent en des sens différents ; mais l’opposition de ces deux inclinations est bien moindre que l’opposition qui se rencontre entre les deux inclinations auxquelles est soumise chaque partie d’un corps mû violemment. »

La théorie que nous venons de rencontrer dans les Opuscules de Robert Grosse-Teste aussi bien que dans les Questions sur la Physique discutées à Paris par Maître Roger Bacon est un exemple de la profonde et précoce influence que le premier de ces deux hommes a exercée sur le second. Nous en trouverons un autre exemple, non moins saisissant, lorsque nous étudierons la théorie des marées. A ces deux exemples, M. Ludwig Baur a joint beaucoup d’autres rapprochements[1].

Mais revenons à la théorie de la chute des corps que développe Bacon dans ses Questions sur la Physique. En dépit de la violence éprouvée par les diverses parties du grave qui ne peuvent toutes se diriger exactement vers le centre, un grave, considéré dans son ensemble, tombe de mouvement naturel. Mais pouvons-nous dire qu’il se meut de lui-même et par lui-même ? La réponse ne paraît pas douteuse[2] : « Tout être qui se meut de lui-même (de se) peut être divisé en deux principes, dont l’un est acte de l’autre pris comme matière, et est quelque chose en sus ; mais un grave ne peut être ainsi divisé ; sa forme, en effet, n’est rien d’autre qu’un acte, car elle est l’acte tout pur de la matière du grave ; un grave ne se meut donc pas de lui-même. »

Cette conclusion, cependant, ne doit pas être acceptée avant qu’une distinction en ait fixé le sens et défini la portée.

« Se mouvoir de soi-même s’entend de deux manières, soit à proprement parler, soit selon le commun usage.

» À parler proprement, on dit qu’un être se meut de lui-même (de se) s’il est mû par un principe qui n’est pas seulement l’acte d’une matière ; de cette façon, un grave ne se meut pas de lui-même, tandis que les animaux se meuvent d’eux-mêmes ; aussi

1. Ludwig Baur, Der Einfluss der Robert Grosseteste auf die wissenschaftliche Richtung des Roger Bacon (Roger Bacon. Essays contributed by varions writers on the occasion of the commémoration of the seoenth centenary of his birth, Collected and edited by A. G. Little. Oxford, 1914, II, pp. 33-54).

2. Quæst. III ; ms. cit., fol. 70, col. b.

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