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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

qui vaillent d’être notées. Ces remarques sont quelque peu confuses et la conclusion n’en apparaît pas toujours formellement énoncée. Il serait étrange que l’on s’en étonnât. Le Docteur Subtil s’efforce de saisir des pensées que la Mécanique moderne pourra seule amener à la parfaite clarté. Comment ces pensées ne lui apparaîtraient-elles pas vagues encore et presque entièrement voilées par les principes de la Dynamique péripatéticienne ?

Mais une autre raison nous dissimule parfois l’intention du Docteur Subtil ; en dépit du soin avec lequel il a été édité par Maurice du Port, le texte du Scriptum Oxoniense paraît, ici, fort corrompu. Certaines phrases étaient demeurées, pour nous, de véritables énigmes jusqu’au jour où nous avons eu la bonne fortune de lire la Physique de Nicolas Bonet. Nous y avons retrouvé ces phrases presque textuellement reproduites ; mais les légères variantes qu’elles présentaient par rapport au Scriptum Oxoniense les rendaient maintenant parfaitement claires ; il nous a paru que Bonet avait sous les yeux l’expression correcte de la pensée de Duns Scot et avait eu l’heureuse idée de nous la conserver.

« Le Commentateur, dit Bonet[1], déclare que la succession dans le mouvement provient de la résistance du mobile au moteur et de la résistance du milieu au moteur et au mobile. Voyons ce qu’il entend par ces résistances. » Sous prétexte de nous faire connaître l’opinion d’Averroès, c’est celle de Duns Scot que notre auteur reproduit.

« Disons que la résistance du mobile au moteur[2] n’est pas telle que le moteur ne puisse mouvoir le mobile ; elle n’est pas telle, non plus, que le mobile soit sollicité à l’opposé, car il en est exclusivement ainsi dans le mouvement violent ; par cette résistance, on entend que le mobile se trouve soumis à

1. Nicolai Boneti Physica, lib. V, cap. I. Bibl. nat., fonds latin, ms. n°6678, fol. 148, vo et 149, ro ; ms. n° 16132, fol. 116, col. d, et fol. 117, col. a.

2. Nous transcrivons ici le texte même de Bonet, le lecteur aura loisir de le comparer au texte du Scriptum Oxoniense.

« Dicamus autem quod resistentia mobilis ad motorem non est talis quod movens non possit movere mobile nec talis quod reinclinetur ad oppositum, quia sic précisé est in motu violento ; sed tali resistentia intelligitur quod mobile est sub aliquo ubi cui non potest immédiate succedere terminus intentus a motore finitæ virtutis, quoniam mobile non est in plena obedientia motoris finiti in vigore.

 » Ampluis antem per resistentiam medii ad mobile et ad motorem, intelligo omne illud quod necessario præcedit inductionem termini producendi, quæ sunt media naturaliter ordinata inter formam quam habet mobile et terminum adquem ; talia inquam media resistunt mobili et motori ut mobile non statim possit poni virtute finita motoris in termino ad quem. »

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